Interview - Le secret de la cité sans soleil
Vingt-cinq ans après, vous nous faites découvrir votre premier roman, jamais paru en grand format. Pourquoi ?
À l’époque, ce roman avait été directement publié en poche, ce qui m’allait très bien. Je ne cherchais pas une image de marque, mais à être lu. Il a rencontré un modeste succès de bouche-à-oreille. Puis j’ai continué ma carrière, aussi bien dans le cinéma qu’en littérature. Je n’arrivais cependant pas à oublier cette histoire. Malgré le temps, malgré les expériences et d’autres succès bien plus importants, je continuais à lui trouver un véritable intérêt. Le Secret de la Cité sans soleil est avant tout l’aventure qui m’a donné envie d’écrire, celle qui m’a poussé à franchir le pas alors que je n’avais pas du tout l’intention de devenir écrivain. Avec le recul, j’ai compris pourquoi : ce livre contient beaucoup de ce que je suis, de ce qui me touche et me passionne.
Comment cette aventure est-elle née ?
À l’époque, je travaillais sur les plateaux de cinéma, essentiellement sur des effets spéciaux pyrotechniques. J’ai commencé très jeune, en passant par tous les postes. Ma passion pour cet univers et l’envie naïve d’accomplir m’ont donné l’inconscience de forcer les portes. J’ai grandi dans les studios, mais plus je fréquentais la technique, plus je m’apercevais que si elle était indispensable, ce n’était pas là que naissait le cœur de l’émotion. C’est en cherchant à comprendre d’où venait la puissance des films que j’ai découvert le pouvoir de l’écriture. Peu à peu, une histoire, appelée à devenir l’intrigue de ce roman, s’est étoffée dans ma tête, et l’écrire moi-même s’est imposé comme le moyen le plus naturel de la partager. Je m’y suis attelé sans me poser davantage de questions. J’avais en moi ces émotions, cette histoire née d’expériences humaines personnelles et d’une curiosité pour l’Histoire qui m’a toujours poussé à apprendre. Le texte est venu spontanément, presque facilement. C’est ensuite que j’ai découvert tout ce qu’il faut de travail et d’opiniâtreté pour qu’une histoire que l’on pense intéressante puisse devenir un roman digne d’être présenté au public !
Avez-vous modifié le texte d’origine ou fait des ajouts ?
J’ai toujours eu envie de faire découvrir cette aventure au public le plus large possible. Quand j’ai commencé à être beaucoup lu, cela n’a fait que renforcer cette intention. Mais je ne voulais pas le faire trop vite, et certainement pas pour profiter d’une notoriété offerte par les lecteurs. J’ai un contrat de sincérité avec eux. Je ne racle pas les fonds de tiroirs pour en abuser. Cependant, cette aventure restait en moi, elle continuait à me toucher, à me hanter. Même vingt ans plus tard, j’avais toujours l’impression de proposer quelque chose de différent, un cocktail à part, sur des sujets qui passionnent. Je n’envisageais pas toutefois de laisser le texte ressortir tel qu’à mes débuts. Par correction pour celles et ceux qui me suivent, les progrès et l’expérience acquise au fil de mes romans doivent bénéficier à tout ce que je propose. Alors j’ai pris le temps, j’ai renoncé à ce que l’on m’offrait de financièrement très avantageux pour faire équipe avec des gens qui comprenaient ma démarche. J’ai épuré, retravaillé le texte, développé certains points tout en préservant son essence. La même histoire, sincère, entière, mais mieux maîtrisée.
J’ai cru utile d’ajouter trois petites synthèses historiques pour donner une base de documentation au lecteur. Mes thrillers reposent toujours sur d’importantes recherches que j’aime partager. J’ai aussi rédigé un chapitre « Et pour finir… », devenu traditionnel chez moi mais qui n’existait pas encore sur ce tout premier texte, dans lequel je reviens sur les trente ans qui me séparent de la première éclosion du roman. Un réjouissant voyage dans le temps, riche d’émotions et de souvenirs !
C’est donc par un thriller historique que vous entamez votre carrière d’écrivain. D’où vient votre intérêt pour les Templiers ?
L’Histoire me passionne depuis toujours. C’est pour moi un inestimable réservoir de savoir et d’expérience. Aucun scénariste ou romancier ne sera jamais aussi doué, aussi extrême et aussi imaginatif que tout ce que l’on trouve au long de l’épopée humaine. Nos prédécesseurs ont saigné pour que l’on apprenne de leurs erreurs et que l’on vive en liberté. C’est un fait. Il reste tant d’énigmes à percer…
Même si l’humour est plus que présent dans ma vie, je viens du cinéma où les « grandes » histoires sont souvent sérieuses. J’ai donc instinctivement associé un pan de l’Histoire qui enflamme l’imagination à une amitié comme celle dont on rêve tous quand on est plus jeune, le tout dans un idéalisme qui reste le mien. Sur les Templiers, comme sur les cathares d’ailleurs, j’ai lu tout et n’importe quoi, mais je m’intéressais davantage aux campagnes de recherches universitaires et aux fouilles archéologiques officielles qu’aux textes fantaisistes. Même si mon roman est une fiction, beaucoup des éléments sur lesquels il se fonde sont parfaitement avérés. J’avais l’impression d’offrir quelque chose de neuf. Seuls les lecteurs seront habilités à me dire si j’ai raison !
Quelles émotions cherchez-vous à susciter dans cette aventure ?
L’envie ! L’envie de vivre, l’envie de faire équipe, l’envie d’apprendre, l’envie d’aller voir sur place ce site exceptionnel, d’en découvrir plus sur ces éléments historiques fascinants.
Qu’il s’agisse de comédies ou de thrillers, je cherche d’abord à parler à ce qu’il y a de plus intime chez le lecteur, à ce qui résonne au plus profond de lui. En l’occurrence, j’espère renforcer la curiosité pour quelques énigmes historiques exceptionnelles et le goût d’avoir des complices.
Les deux personnages principaux forment un duo animé par des valeurs qui vous sont chères : amitié, courage, entraide…
Je crois à cela, je le pratique au quotidien. La loyauté est à mon sens le sentiment le plus noble que puisse offrir un être humain. Cela débouche sur l’amitié, l’amour, la fraternité, l’esprit d’équipe. C’est le nécessaire préambule à l’épanouissement de ce qu’il y a de plus beau dans notre nature. Les cyniques trouvent ça naïf ? On s’en fiche ! Ils dénigrent, sans doute parce qu’ils n’y ont jamais goûté. J’en suis triste pour eux parce qu’avancer à plusieurs est probablement la plus belle chose qui soit.
Que vous inspire le travail en équipe ?
Le meilleur. J’ai découvert ce que cela représentait sur les plateaux de cinéma. Seul, on n’arrive pas à grand-chose, mais c’est encore plus vrai sur un tournage. Tous ces métiers qui s’assemblent pour faire naître un rêve constituent une superbe métaphore de ce qu’est l’existence. Je ne conçois pas la vie autrement qu’en m’associant à mes semblables. Ce n’est jamais simple, mais c’est remarquablement motivant !
Si vous aviez une quête personnelle, quelle serait-elle ?
J’en ai une ! Et par chance, mes différents métiers me permettent de m’y consacrer à plein temps. Je n’ai pas assez confiance en moi pour m’occuper de la santé, de la sécurité ou de la destinée des gens. Alors plus modestement, j’essaie de prendre soin du temps libre qu’ils me confient. J’espère les distraire, les émouvoir, leur rappeler qui ils sont au moment où tout nous pousse à douter. Les histoires ont le fabuleux pouvoir de nous renvoyer à notre vérité. C’est la force des fables. C’est donc ce que je m’efforce de proposer, quel que soit le genre littéraire.
Vous avez eu de grands succès avec des comédies, un genre que vous pratiquez en alternance avec d’autres – thriller, roman historique... Que vous apporte ce changement de registre ?
Je vais être honnête, je ne crois pas réellement avoir de registres différents. Mon truc à moi, ce sont les personnages qui, dans leur vie, tombent sur un os, un problème. Ils doivent apprendre quelque chose sur le monde ou sur eux-mêmes pour réussir à s’en sortir. Le doute et l’erreur sont inhérents à la nature humaine. Tomber n’est pas original. C’est la façon de se relever qui dit qui nous sommes.
C’est un passage, une expérience que nous affrontons tous un jour, et cette épreuve de vérité constitue d’une façon ou d’une autre le cœur de tous mes romans. Suivant ce que mes personnages doivent comprendre, cela donne un thriller ou bien une comédie sentimentale. Pourquoi devrais-je me cantonner à un seul genre alors que je suis capable d’en proposer plusieurs ? Mes lecteurs ont fini par le comprendre et par l’apprécier, et je suis extrêmement touché qu’ils me suivent d’une histoire à l’autre sans s’en tenir aux étiquettes. Ils me disent que je les entraîne sur des territoires où ils ne pensaient pas forcément s’aventurer et où ils se sentent bien. Que puis-je espérer de mieux ? Grâce à leur confiance, aucune de mes tentatives ne s’est soldée par un échec. Mon ambition consiste donc à leur proposer des histoires sincères, ayant du sens, et avec un peu de moi dedans ! C’est une démarche qui dépasse la notion de genre littéraire, en ayant pour seul objectif d’embarquer le lecteur dans des histoires qui le surprennent, le tiennent en haleine, l’émeuvent et le font vibrer. Cela reste aussi vrai aujourd’hui que le premier jour où j’ai pris la plume, sauf que maintenant j’en suis conscient !